Le nucléaire, énergie irresponsable

Publié le par Pavillon Noir

À écouter les politiciens et autres experts, malgré les évidences cruellement rappelées par la catastrophe japonaise dont on n'a pas fini de mesurer les conséquences désastreuses, vouloir sortir immédiatement du nucléaire serait irresponsable – tout au mieux faudrait-il en sortir progressivement. Les anarchistes, qui prônent la responsabilisation individuelle et collective au sens de la gestion directe par les individus de leur vie, répondront que le nucléaire est au contraire une énergie de la déresponsabilisation totale, sur tous les plans aux antipodes d'un projet anarchiste.

 

C'est d'abord une énergie extrêmement dangereuse. Les risques, si minimes soient-ils selon les "experts" qui veillent sur notre sommeil, ne peuvent être réduits à zéro ; ce qui nous semble insupportable à envisager dans une société responsable et égalitaire, au vu des conséquences désastreuses possibles pour les populations proches des centrales. Avec d'une part le vieillissement des centrales et l'accroissement de vigilance technique que cela suppose, centrales dont le démantèlement coûte si cher qu'on préfère les maintenir en route plutôt que les arrêter ; et d'autre part la privatisation rampante du secteur avec son risque de mise en concurrence (et ce que cela suppose de réduction des coûts fixes d'entretien), ces risques déjà inacceptables se multiplient, c'est irresponsable !

 

C'est aussi une énergie dévoreuse de budgets colossaux, détournant et accaparant de fait, depuis des décennies, l'argent public dévolu à l'investissement et à la recherche, qui aurait pu l'être dans d'autres politiques énergétiques moins dangereuses et plus durables. Le seul projet de la filière nucléaire est une fuite en avant dans des investissements toujours plus colossaux, pour de nouvelles générations de réacteurs qui seraient hypothétiquement capables de réutiliser du combustible usagé, toujours plus radioactif. Ces spéculations ruineuses sont d'autant plus irresponsables que le nucléaire est une énergie non renouvelable, puisque les ressources en uranium sont, tout comme le pétrole, limitées à quelques décennies à peine. Comment est-il possible de cautionner un choix énergétique aussi irresponsable ?

 

C'est une énergie qui ne permet pas l'autonomie et la gestion directe des populations, puisque son combustible provient de gisements éloignés des lieux où elle est produite et consommée, dont l'exploitation suppose une domination des multinationales sur les populations locales. Comment peut-on continuer à consommer de l'énergie à ce prix-là ? C'est irresponsable.

 

C'est une énergie ultra-durablement polluante par la radioactivité car – au-delà de la controverse sur les risques réels de radioactivité autour des centrales – les déchets qui s'accumulent aujourd'hui dans des lieux de stockage en surface sont parfaitement ingérables. Ils seront en fait supportés par les générations incalculables qui se succèderont après nous, pour des centaines de milliers d'années. Comment pouvons-nous accepter de produire des déchets qui représenteront une menace lourde pour l'humanité, durant une période aussi longue que celle qui nous sépare des premiers hommes ayant peuplé la planète ? Là encore, un seul mot vient à l'esprit : c'est irresponsable.

 

C'est en réalité une énergie et une technologie qui n'ont rien de neutre politiquement. Car elles supposent un étatisme très poussé, un mode très centralisé et autoritaire d'organisation humaine. Né du militaire, imposé par la force aux populations, géré par des experts échappant au contrôle des populations, supposant un niveau élevé de surveillance et de contrôle social, le pillage impérialiste de pays soumis par les multinationales qui produisent l'uranium... le nucléaire résume tout le déni de démocratie réelle que suppose l'institution étatique dans toute son abomination.

 

C'est aussi, et cela va avec, une énergie de masse, transportée à flux tendu par tout un réseau d'autoroutes électriques à très haute tension. Une énergie inséparable d'un modèle de croissance de l'exploitation humaine, allant de pair avec une croissance tout aussi suicidaire de la production d'énergie. Où les consommateurs noyés de désirs factices pour des gadgets idiots dont on sature leurs cerveaux, complètement déconnectés de ce qu'implique socialement et écologiquement ce qu'ils consomment et ce qu'ils jettent, sont les mêmes que l'on abrutit dans des tâches salariales inutiles et nocives, aussi bien à eux qu'à l'humanité toute entière. Bref, une énergie répondant au modèle capitaliste, qui comme lui ne sert qu'à nourrir sa propre logique destructrice, celui de l'accumulation du pouvoir exercée par une caste privilégiée sur une population toujours plus asservie, abrutie et opprimée. L'arrêt du nucléaire est évidemment possible car – de même que pour d'autres énergies très liées au développement du capitalisme et de l'État, comme le pétrole – la grande quantité d'énergie produite aujourd'hui pour aller dans le mur, ne serait sans doute plus à produire demain si l'on en questionnait la destination.

 

Partisans d'une société décentralisée, fédéraliste et d'entraide, où les gens décident directement de ce qui les concerne, nous ne pouvons que condamner le nucléaire, et tout ce qui rend cette énergie possible, mais aussi toutes les pseudo-solutions d'un "développement durable" qui prôneraient la débauche d'autres énergies tout aussi irresponsables. Il faut avant tout le projet social d'une relocalisation et d'une réappropriation des décisions et des activités par les populations elles-mêmes, et reconsidérer les besoins réels d'une part, les ressources et les données environnementales d'autre part, pour nous tourner vers des choix énergétiques et technologiques responsables. Mais pour cela, il ne faut pas exiger la fin du nucléaire pour dans vingt ou trente ans, ni croire aux mirages de politiciens qui collaborent à un modèle étatique de déresponsabilisation de masse et de gestion du capitalisme. On ne sortira pas du nucléaire par le rose ou le vert, mais en renversant ce qui engendre et suppose ce dont il n'est qu'un produit, à savoir l’État et le Capital.

 

Sortie immédiate du nucléaire : révolution sociale et libertaire !

 

groupe Pavillon Noir

Fédération anarchiste de la Vienne

Publié dans Communiqués

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